Inuzuka Shirogane ☾ hurler à la lune

Il renifle tandis que la fourrure familière de Nashoba vient se frotter à sa joue, rassurante. Elle n'avait pas besoin de dire quoique ce soit : elle était à ses côtés depuis qu'il était un nourrisson, elle le connaissait mieux qu'il en se connaissait lui même. Là, là... Des fois, il doutait. Il doutait d'être l'Inuzuka qu'on attendait de lui qu'il soit, tout de crocs et de griffes, tout de grondements et de menaces. Il était réservé, Shirogane. Il aimait la lecture, contempler les étoiles avec Nashoba, se perdre dans la forêt et revenir avec un rire dans les yeux et des aventures dans la tête. Il n'était pas comme eux : extravertis, sanguins, impulsifs. Il ne voulait pas être comme eux. C'était si dur d'être soi-même avec tous ces grognements dans la tête. Shirogane aimait Nashoba plus qu'il ne s'aimait lui-même, mais il ne voulait pas être elle. Il avait besoin d'y voir plus clair, d'avoir l'esprit apaisé, de ne plus sentir ses instincts hurler à la mort à chaque pas de travers de ses camarades. Sa mère compatissait. « Ca arrive, parfois, disait elle sans se formaliser. Certains Inuzuka sont plus proches de la bestialité que d'autres. Il faut apprendre à vivre avec. Il n'y a rien de mal à ça. La meute sera toujours là pour te retenir si nécessaire. Fais nous confiance ».

Mais cela n'avait jamais été une question de confiance. Le libre-arbitre était peu être une notion hypocrite dans un clan aussi soudé que celui des Inuzuka, mais Shirogane savait qu'il n'était pas bon de caresser dans le sens du poils un chien qui avait attrapé la rage. Nashoba colle son museau froid sur sa joue humide. Son regard jaune est perçant, comme le sien. Tu n'as pas la rage, et tu n'es pas une erreur, et tu ne dois pas avoir honte, et tu seras ce que tu voudras que tu sois, c'est tout. Et je resterais toujours à tes côtés, quel que soit ton choix. Shirogane ne méritait pas Nashoba, mais lorsqu'il le disait, elle lui mordait le nez, alors il s'était fait une raison. Il grandit. Jamais vraiment lui-même, jamais vraiment serein, jamais ayant l'impression de s'appartenir. C'est d'accord, tu m'appartiens, alors. Nashoba en garde-fou, il tâcha de ménager sa colère, monstre qui menaçait de le dévorer de l'intérieur.

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Son front le brûlant atrocement. Il retint le gémissement qui menaçait de s'extirper de sa gorge. Nashoba couinait à ses côtés, mais il ne parvenait pas à l'entendre. Il n'entendait plus rien. Plus de grondements. Rien. Seulement le sang qui battait comme un tambour contre ses tempes. Il lui fallut quelques minutes pour reprendre ses esprits. C'était... étrange. Aaah, qu'as-tu fait ? La colère avait disparu. Totalement disparu. Scellée, pour être exact, par l'Uzumaki qui l'observait avec une expression avoisinante celle de la chienne-louve. D'une main tremblante, Shirogane passe les doigts sur son front brûlant où il savait résidait désormais sa marque. Il n'avait pas passé ses dernières années à bailler aux corneilles, loin de là. Alors que le monde se faisait la guerre, alors que la terre se teintait de sang, alors que les alliances et les villages se formaient, il n'avait jamais perdu de vu son objectif : devenir ce qu'il estimait être une meilleure version de lui-même.

Tronquée.
Incomplète.
Mutilée.

Nashoba le regarde avec une tristesse qu'il n'avait jamais perçu dans ses yeux. Cela était-il vraiment nécessaire ? Shirogane fronce les sourcils, se crispe dans l'attente du flot de colère qui ne manquait jamais de s'aviver à la moindre occasion. Rien. Le calme plat. Il cligne des yeux, sonné. Silencieux. Ne restait que le regard triste de son âme-liée et un vague sentiment doux-amer de quelque chose peut être à jamais perdu.

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─ Il s'appelle Chibimaru, et je compte sur toi pour en prendre soin.

Reika lui fourre une boule de poils noire comme de la suie dans les bras, ignorant son grognement de protestation. Il avait déjà Nashoba, il n'avait besoin de personne d'autre. Comme ayant entendu ses pensées, sa soeur pose un doigt accusateur sur sa poitrine.

─ Je. Compte. Sur. Toi. Ca te fera du bien un peu, de bousculer ta routine, elle ajoute, les mains sur les hanches dans une expression qui indiquait à Shirogane qu'elle était très fière de son idée. Et puis, elle ouvre les bras pour indiquer ses deux fidèles Ninken, on est jamais trop entourés, n'est-ce pas ?

Elle lève un pouce et s'éloigne la tête haute. Le chiot couine dans ses bras. Shirogane l'observe un instant. Soupire. Il semblait qu'il était encore bien loin du repos secrètement espéré.

Pour le meilleur et pour le pire.